Il n’y a pas d’âge pour aller à l’école

jeu, 05/26/2016 - 10:13 -- siteadmin

Au Tchad, le camp de Daresalam abrite plus de 5 000 réfugiés venus du Nigéria et du Niger. Ici, chaque individu a fui les atrocités et la violence qui règnent dans leur pays. L’école du camp de réfugiés de Daresalam est le seul endroit où Yande Tchari, 17 ans et en classe de CP1, se sent en sécurité. “C’est seulement en classe que j’arrive à me changer les idées, l’école me donne une chance d’apprendre quelque chose de nouveau, ” dit-elle.

Yande porte son bébé dans ses bras. Son voile blanc avec des rayures violettes lui couvre complètement la tête et laisse paraitre un joli visage marqué par les épreuves de la vie. Assise à même le sol à côté de son amie Yekaka Mahamadou, les deux camarades et mères paraissent bien plus âgées que les autres.

Je me rapproche d’elle et profite de la récréation pour faire connaissance avec les jeunes mères. Yande vivait à Lelewa, une île du Lac Tchad du coté du Niger. Dans son village, une fille de 15 ans est déjà prête à marier. « Un soir, mes parents m’ont appelée et ils m’ont dit qu’ils allaient me donner en mariage à un pêcheur dénommé Kando. Je ne l’avais jamais vu, ni croisé, je ne savais même pas s’il était jeune ou vieux. Par respect pour mes parents, je n’ai rien dit. » Je lui demande alors si elle était heureuse le jour de son mariage, elle m’a répondu sans hésiter : « Mes parents étaient heureux. C’est ce qui comptait.»

Yande tombe alors enceinte et le petit Alhadj naît quelques mois après leur mariage. « Peu de temps après cet heureux événement, Kando est arrêté par Boko Haram et tué parce qu’il a refusé de leur léguer ses biens, son bateau, un peu d’argent, le fruit de son travail. Maintenant, mon fils ne connaîtra jamais son père » raconte-t-elle, amère.

« Quelques jours après, des militaires nous ont ordonné de quitter rapidement le village parce que Boko Haram était en route pour venir nous tuer. Je venais de perdre mon mari et j’avais un bébé dans les bras. On était nombreux, les enfants pleuraient, certaines mères aussi. Heureusement, des militaires nous ont repéré et nous ont amené au camp de réfugiés de Daresalam.»

Au camp, Yande a retrouvé Yekaka, une amie d’enfance originaire du même village. « Mon mari a aussi été tué par Boko Haram, c’est vrai que nos difficultés nous ont rapprochées et on s’entraide, » raconte Yekaka.

La curiosité de Yande l’a poussée jusqu’à aller s’inscrire pour la première fois à l’école. « Avec mon enfant, j’ai hésité à venir étudier mais le directeur de l’école a accepté que je participe à la classe avec lui. La première phrase en français que j’ai appris c’est « comment tu t’appelles, » raconte-t-elle, amusée.

La récréation est finie et les enfants rentrent en désordre dans la classe. Les défis sont nombreux pour les professeurs dans ces conditions, les classes sont surchargées, les matériels pédagogiques manquent, et pour la grande majorité de ces enfants, c’est la première fois qu’ils ont la chance d’aller à l’école.

Après la classe, je retrouve Yande et lui demande ce qui la motive: « Je pense que l’école peut aider une femme à devenir autonome. Si vous n’étiez pas allé à l’école, aujourd’hui vous ne seriez pas venue nous poser des questions, pas vrai ? Si j’avais eu cette chance d’aller à l’école, je ne serais pas mariée aussi jeune. J’aiderais ma famille et ma mère serait fière de moi. Aujourd’hui c’est l’école qui me fait oublier tous mes soucis, » raconte-elle.

Alors que je prenais mes notes, Yande a pris une feuille de papier et un stylo et s‘est appliquée à écrire son nom et prénom et a aidé Yekaka à le faire. « Je trouve la langue française très belle. On peut beaucoup apprendre juste en s’amusant. Mon fils Alhadj sera un grand écrivain demain. Je lui appendrai à écrire et à lire, inch’Allah (si Dieu le veut)»

J’ai beaucoup échangé avec les deux jeunes filles sur divers sujets, le mariage, l’école et leurs projets. Yande,pour finir, me confie : « Certaines personnes se moquent de moi quand je leur dis que je veux continuer l’école mais pour moi il n’y a pas d’âge pour aller à l’école. C’est la volonté qui compte. »

Par: Aicha Chir Nour -- chargé d’édition et de publication avec UNICEF Tchad

Source : UNICEF

 

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