Des enfants surdoués et heureux

mer, 08/24/2016 - 14:44 -- siteadmin

 

On parle plus souvent des enfants précoces à problèmes que de ceux, majoritaires, qui vont bien. Ils ont néanmoins besoin d’être accompagnés par des adultes bienveillants et attentifs.

On les appelle enfants «précoces»  , «surdoués»  , «à haut potentiel intellectuel»  … Mais, pour beaucoup de spécialistes, cette terminologie traduit de façon peu satisfaisante la réalité de ce qu’ils sont : ils ne seront jamais «rattrapés» par les autres, ils n’ont pas quelque chose «en plus» que les autres. En fait, ces enfants fonctionnent avec une intelligence qualitativement différente.

Si leur rythme de développement intellectuel est plus rapide que celui des enfants du même âge, leur développement affectif, relationnel et psychomoteur est plus en rapport avec leur âge biologique. La «douance», selon la désignation canadienne, est une alchimie entre les spécificités intellectuelles ou cognitives et les caractéristiques émotionnelles ou affectives. Cette alchimie produit donc des profils psychologiques particuliers.

C’est pourquoi la psychologue Jeanne Siaud-Facchin a eu l’idée de les surnommer «zèbres»: le seul équidé non domesticable par l’homme, c’est-à-dire difficile à faire entrer dans un cadre déterminé», justifie Jeanne Siaud-Facchin, psychologue clinicienne. Qui plus est, les rayures de cet animal puissant sont uniques, telles des empreintes digitales. «Du coup, il n’y a pas deux zèbres identiques», ajoute la spécialiste.

Dans les années soixante, on ne parlait ni de surdoués, ni de précoces, encore moins de «zèbres». Les enfants entraient à l’école vers 4 ou 5 ans. «22 % d’entre eux avaient un ou deux ans d’avance, ils savaient lire et écrire, mais cela ne posait pas de problème. Le système scolaire était moins formaté qu’aujourd’hui», remarque Vlinka Antelme, présidente de l’Association française pour les enfants précoces (Afep).

 «Les grands-parents initiaient parfois les petits à la lecture, leur donnaient des bases de calcul en jouant avec eux aux dés ou aux dominos», complète Monique de Kermadec, psychologue clinicienne. Aujourd’hui, que l’on sache lire ou non, l’âge légal d’entrée au CP est de 6 ans. «L’école est faite pour la norme. Et tout ce qui déborde du cadre est hors norme : on le remarque, on l’interroge. Et on cherche à expliquer pourquoi cet enfant ne fonctionne pas comme les autres», remarque Jeanne Siaud-Facchin.

L’enfant surdoué est d’abord un enfant : chacun a une histoire, une famille, une éducation, une personnalité. Mieux vaut donc éviter de coller une étiquette et se méfier des idées reçues (lire l’entretien page 15). Parfois, la précocité intellectuelle est associée à des troubles psychologiques.

Mais, comme le note Jeanne Siaud-Facchin, «tous les petits surdoués ne développent pas de pathologies. Beaucoup sont heureux, bien dans leur peau et confiants dans la vie et leur avenir. Certains ont des parcours magnifiques. Ils savent faire de leur réactivité émotionnelle une force. On admire leur créativité, leur empathie, leur charisme, leur capacité de se relier, leur maîtrise des émotions.» Certes, l’enfant surdoué doit être aidé à exprimer ses émotions et apprendre à «surfer» sur elles.

Son hypersensibilité aurait pour origine une cause génétique : au plan cérébral, la vulnérabilité de l’amygdale du cerveau entraînerait une hyperréactivité émotionnelle. «Chez cet écorché vif, une broutille peut entraîner un cataclysme», résume à sa façon la psychologue.

On ne naît pas enfant précoce heureux, on le devient. Surtout si on a la chance de grandir dans un milieu affectif stable où les parents font preuve d’une attention particulière et bienveillante. Jeanne Siaud-Facchin souligne l’importance de reconnaître l’enfant dans sa particularité : «De la même façon qu’on détecte la myopie, on diagnostique la précocité intellectuelle, à l’aide de tests, pour mieux accompagner l’enfant.» Autre levier essentiel, la confiance en soi.

Parce qu’il se sent différent, en décalage avec les autres, l’enfant a parfois du mal à construire une image solide de lui-même. «Pour s’épanouir, il s’appuie sur ses ressources, ses compétences, mais il doit aussi être capable d’accepter ses faiblesses. Plus qu’un autre, cet enfant a besoin d’être valorisé, encouragé pour renforcer son estime de soi. Il a aussi besoin qu’on lui pose des limites qui vont le rassurer», ajoute la psychologue. Si les parents s’efforcent de comprendre leur enfant, ils doivent aussi accepter de ne pas tout comprendre de leur petit prodige.

Faire preuve d’humilité pour ne pas entrer en conflit frontal. Le jeune surdoué sera-t-il heureux à l’école ? «Oui. Si l’environnement est bienveillant, et si l’enfant a la possibilité de fonctionner comme il en a l’habitude, sans être réprimandé», précise Jeanne Siaud-Facchin qui se réjouit de l’évolution positive de l’attitude des enseignants de plus en plus en demande de formation dans ce domaine.

Enfin, la psychologue recommande aux parents d’enfants précoces de leur laisser un temps pour rêver et s’ennuyer. L’idée selon laquelle il faudrait alimenter sans cesse leur curiosité et les nourrir en permanence est battue en brèche. Il est indispensable de leur offrir des moments de ressourcement intérieur.

 «On ne peut pas être un enfant précoce tout seul», conclut Monique de Kermadec, convaincue que «le parent est l’allié fondamental de 0 à 20 ans». Pour cette spécialiste, «le petit surdoué est heureux lorsqu’il est accompagné, en étant conscient de sa différence. Le père ou la mère ne surinvestissent pas cette différence mais l’accompagnent en tenant compte des besoins de leur enfant. Et ils n’hésitent pas à demander une aide extérieure en cas de doute ou de difficulté.» La précocité intellectuelle est un cadeau, elle ne doit pas devenir un handicap.

Source : La croix

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