Pourquoi les enfants mordent-ils ?

mer, 06/26/2019 - 09:47 -- siteadmin

En milieu de garde, crèche ou assistante maternelle, il n'est pas rare que certains enfants croquent quelques avant-bras ou mains. Prédateurs ? Pas vraiment. Explorateurs plutôt. Explications.

Cris d'outre-tombe, flots de bave, tentatives d'ingestion de cailloux au parc... Il n'aura échappé à personne que l'enfant en bas âge, aussi attendrissant soit-il, est capable de bon nombre d'étrangetés. Et il en est une, d'ailleurs, qui peut surprendre : les morsures. Si ces dernières n'étaient dirigées que vers la table basse du salon ou vers un hochet pour qu'il ou elle fasse ses dents, tout irait bien. Seulement parfois, le petit s'attaque aux bras potelés de certains de ses congénères ou se fait mordre lui-même, et cela régulièrement. Suffisant pour interpeller voire inquiéter certains parents.

La bouche, ultime lieu de découverte

Inutile de craindre une personnalité hargneuse, de songer au trouble du comportement ou de crier au harcèlement de sa progéniture. Si tous les enfants ne mordent pas, le geste est classique et courant. Il apparaît généralement à partir de 6 mois et s'arrête aux alentours des 3 ans, avec l'accession au langage. Derrière, aucune volonté de nuire ou de faire mal à l'autre. Chez l'enfant en bas-âge, la bouche est une zone toute particulière. Après la naissance, c'est grâce à elle que le bébé entre en communication, «le premier contact physique se fait avec elle, pour prendre le sein et trouver de la nourriture», rappelle Yvonne Coinçon, psychiatre et ex-présidente de l'Association des psychiatres de secteur infanto juvénile (API).

Par la suite et jusqu'à l'apparition du langage, tout va ainsi passer par la bouche. Cette dernière devient la voie royale pour expérimenter, découvrir ce qui l'entoure. Qu'il s'agisse de terre, d'une boucle d'oreille de sa mère, des cheveux de sa grande sœur ou d'une main de camarade, donc.

Communiquer sans mot

En milieu de garde, l'enfant se retrouve avec d'autres, les morsures sont alors logiquement courantes. Un moyen de «connaître», et de «communiquer», rappelle la psychiatre. Prenons l'exemple d'un enfant qui souhaite attraper un jouet. «Il en voit un autre en train de manipuler quelque chose, il ne sait pas ce que c'est, ni ce que ça apporte, mais il voit bien le plaisir du détenteur et veut l'éprouver aussi, illustre Yvonne Coinçon. Comme il n'a pas de mot pour dire "donne-moi l'objet", il prend le tout avec sa bouche. Il ne mord pas pour attraper le jouet, mais pour exprimer qu'il a envie de ce jouet.» Redoutablement efficace, en effet.

Rappelons également que vers l'âge de 2 ans, le petit ne possède ni les ressources, ni les codes de bienséance pour jouer en toute courtoisie avec ses semblables. «Vers 12 à 18 mois, ils jouent ensemble aux mêmes choses. Après leurs 2 ans, ils envisagent intérieurement de jouer avec l'autre, mais ne savent pas comment faire. Le meilleur moyen est alors d'imiter. En clair, si je vois qu'un enfant arrive à avoir un objet en mordant, alors je mords», précise la psychiatre.

Faire naître de l'empathie chez le "mordeur"

Une théorie bien jolie, nous direz-vous, mais comment réagir en pratique, lorsque sa progéniture revient régulièrement de la crèche tatouée de la quinzaine de dents d'un(e) camarade sur l'avant-bras ? Selon Yvonne Coinçon, la meilleure solution reste d'expliquer à l'enfant ce qui se trame. «On peut lui dire que celui ou celle qui l'a mordu voulait son jouet, mais qu'il ou elle ne sait pas demander. On peut aussi lui donner des pistes pour qu'il ne se fasse plus mordre, et qu'il ne morde pas à son tour».

Si les morsures se répètent et perdurent, les parents peuvent conseiller à l'enfant de s'éloigner du «mordeur» et de se rapprocher de la nourrice ou des adultes de la crèche. «Si un(e) petit(e) mord toujours le même enfant, il faut essayer de savoir pourquoi, comprendre ce qui l'intéresse tant chez lui. Cela peut être sa puissance, sa capacité à se procurer des objets...», avance Yvonne Coinçon.

Quant aux enfants «mordeurs» ? Rien ne sert de punir ou de disputer. «À cet âge, ils ne savent pas ce que veut dire "avoir mal" et ne peuvent donc pas comprendre le reproche qui leur est fait», rappelle Yvonne Coinçon. L'idée est donc de lui indiquer que la manière employée est la mauvaise et qu'il réussira davantage à obtenir ce qu'il veut en s'y prenant différemment. «On peut l'aider à passer au langage gestuel, en lui montrant qu'on peut demander en tapotant le bras de l'autre.» Enfin, si l'on surprend sa progéniture en train de mordre, il est important selon la psychiatre de lui montrer ce que cela produit chez l'autre : «À 6 mois, il ne comprend pas ce qu'il se passe, il faut essayer de lui faire ressentir de l'empathie pour la douleur de l'autre. On peut lui dire "regarde comme il pleure, c'est comme lorsque tu veux manger et que ça n'arrive pas". On l'accompagne dans sa compréhension du monde».

Source : Le Figaro

http://madame.lefigaro.fr/enfants/pourquoi-les-enfants-mordent-creche-nourrice-se-faire-mordre-250619-165690