La Cour de cassation entrouvre la porte à la gestation pour autrui

jeu, 07/06/2017 - 19:04 -- siteadmin

Un enfant né d'une mère porteuse à l'étranger peut désormais être adopté par le conjoint de son père biologique, et donc se voir reconnaître deux parents en France.

Les enfants nés de mère porteuse à l'étranger, une pratique interdite en France, pourront avoir deux parents. Mercredi, la Cour de cassation a tranché l'épineuse question de la reconnaissance du «parent d'intention» de ces enfants. Dans un couple hétérosexuel, il s'agit de l'épouse du père, qui n'a pas accouché. Dans un couple homosexuel, c'est le «second» père qui n'a pas donné son sperme pour concevoir l'enfant.

Cette décision marque une étape décisive dans le feuilleton qui dure depuis plusieurs années sur la filiation de ces enfants qui ont été surnommés «les petits fantômes de la République». Les opposants à la GPA ont immédiatement dénoncé une décision «d'une immense hypocrisie», «une capitulation». Saisie de deux affaires, la plus haute juridiction française a estimé qu'une GPA réalisée à l'étranger ne faisait pas obstacle à l'adoption de l'enfant par l'époux du père. Cette décision se fonde notamment sur la loi Taubira qui a ouvert le mariage et l'adoption aux couples homosexuels. «Ce texte a pour effet de permettre, par l'adoption, l'établissement d'un lien de filiation entre un enfant et deux personnes de même sexe, sans aucune restriction relative au mode de procréation», explique la Cour de cassation dans un communiqué. Avant cette étape, la juridiction avait déjà validé en 2015 la transcription du lien de filiation entre l'enfant et son père biologique, celui dont les gamètes sont utilisées pour la conception. Une conséquence des condamnations multiples de la France par la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH).

Dans un autre arrêt rendu jeudi, la Cour de cassation a cependant refusé la transcription automatique, sur les registres d'état civil, des actes de naissance étrangers qui reconnaissent ce «parent d'intention» et «ne sont pas confirmés à la réalité». «Il est impossible de transcrire un acte faisant mention d'une mère qui n'est pas la femme ayant accouché», a expliqué la Cour de cassation. Autrement dit, le principe du droit romain «mater semper certa est», qui reconnaît la femme qui accouche comme la mère, est toujours d'actualité.

«La Cour de cassation a choisi une troisième voie, celle de l'adoption, commente Me Patrice Spinosi, avocat du couple homosexuel qui a porté cette affaire en cassation. De 2013 à aujourd'hui, une révolution s'est opérée. Nous sommes passés d'un droit qui refusait de reconnaître toute conséquence juridique à une GPA à un droit qui reconnaît une filiation pour les enfants qui en sont issus à l'égard de leurs deux parents. C'est la fin d'une filiation à deux vitesses pour ces enfants qui n'avaient qu'un seul parent reconnu et aucune certitude en cas du décès de ce dernier.» Les partisans de la GPA se sont cependant dits déçus par cette «troisième voie». «La Cour de cassation trie les familles entre elles au seul regard du mode de conception de leurs enfants», a regretté Alexandre Urwicz, président l'Association des familles homoparentales.

«Capitulation»

Les opposants à la GPA dénoncent pour leur part un inadmissible encouragement aux recours aux mères porteuses. «La marchandisation du corps des femmes est ouverte», s'est émue la députée (LR) Valérie Boyer. «Cette décision va faciliter le développement d'une pratique très lucrative d'exploitation des femmes et de trafics d'enfants. Quelle immense hypocrisie dans un pays qui prétend se préoccuper des droits de femmes et des droits des enfants!», a réagi Ludovine de la Rochère. La présidente de la Manif pour tous tacle par ailleurs une conception «très incohérente» de la filiation «à l'heure où l'on dit qu'une PMA sans père ne pose pas de problème mais qu'il faut deux parents aux enfants nés de GPA». Emmanuel Jauffret, membre du Collectif pour le respect de la personne (CoRP) créé par la philosophe Sylviane Agacinski, se désole d'une «capitulation». «C'est une porte ouverte à la GPA en France. La Cour de cassation affaiblit considérablement la portée de sa prohibition, relève-t-il. Il faut désormais renforcer notre arsenal législatif si on veut maintenir cette interdiction et continuer à faire avancer la cause au niveau international».

Source : Le Figaro

http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2017/07/05/01016-20170705ARTFIG00360-deux-parents-legaux-en-france-pour-les-enfants-gpa.php