Hausse des violences domestiques : l'ONU déterminée à protéger les femmes partout dans le monde

mar, 04/07/2020 - 00:25 -- siteadmin

Face à la recrudescence mondiale que connaissent les violences domestiques liée à la pandémie de Covid-19, les Nations Unies appellent à mener une action mondiale immédiate pour mettre fin à toutes les formes de violence à l'égard des femmes et des filles. 

Des rapports de pays de toutes les régions du monde suggèrent que les mesures de restriction de mouvement et d'isolement social, associées à des pressions sociales et économiques accrues, entraînent une augmentation de la violence au sein des foyers.

Pour mieux comprendre ce phénomène et la réponse qui doit être apportée, ONU Info s'est entretenu avec la Vice-Secrétaire générale de l'ONU, Amina Mohammed. Elle revient notamment sur ce que peuvent faire les gouvernements, l'ONU et d'autres entités pour prévenir et combattre ces abus. 

Quelle est la gravité actuelle de la violence à l'égard des femmes et des filles ?

Avant que cette pandémie n'éclate, les statistiques montraient qu'une femme sur trois subissait des violences dans sa vie. En Papouasie-Nouvelle-Guinée, où j'ai célébré la Journée internationale des femmes le mois dernier, ce taux est encore plus élevé, puisqu'il est de deux sur trois. 

Ma préoccupation aujourd'hui concerne toutes les femmes du monde entier qui souffrent encore plus aujourd'hui en raison des tensions économiques et sociales supplémentaires causées par un changement radical de la vie normale. Ce stress entraîne un risque accru de violence. Il est clair que lorsque les femmes et les filles sont "enfermées" dans leur foyer avec un partenaire violent, elles courent un risque bien plus grand qu'auparavant.

Cette recrudescence de la violence ne se limite pas à un seul pays ou à une seule région. Les médias font état d'une augmentation de la violence dans le monde entier, de l'Argentine à la Chine, en passant par l'Allemagne, la Turquie, le Honduras, l'Afrique du Sud, le Royaume-Uni et les États-Unis, pour n'en citer que quelques-uns.

En Malaisie, les appels ont doublé et en France, ils ont augmenté de 32%.  Au Liban, les appels à la ligne d'assistance ont doublé en mars de cette année, comme ils l'avaient fait au cours du même mois l'année dernière. Et l'inquiétude est que ces chiffres ne reflètent que des rapports. La violence domestique est généralement très peu signalée.  

En cas de restriction des mouvements et de la vie privée, les femmes ont du mal à appeler à l'aide. Il est donc probable que même ces chiffres ne représentent qu'une fraction du problème. Ils reflètent également les pays qui ont mis en place des systèmes de signalement. La disponibilité des données n'est pas la même partout, en particulier dans les pays en développement.

Quelle est la complexité de la situation ?

Nous constatons non seulement une augmentation considérable du nombre de femmes et de filles victimes de violences, mais aussi une plus grande complexité de la violence perpétrée.

Les femmes que l'on soupçonne, même à tort, d'être exposées au coronavirus, sont jetées à la rue en pleine période de confinement. Les agresseurs profitent des mesures d'isolement en sachant que les femmes sont incapables d'appeler à l'aide ou de s'échapper.

Tout cela se produit dans un contexte où les services sociaux et de santé sont débordés, manquent de ressources et ont changé pour gérer les implications du virus. 

Les organisations de la société civile qui ont pu auparavant aider les victimes de violence sont incapables de fonctionner. Et les refuges pour victimes de violence domestique qui ont pu rester ouverts sont souvent pleins ; les responsables des refuges ne sont pas équipés et ont peur d'accueillir de nouvelles victimes à cause du virus.

Quelles sont les mesures prises ?

Tous les acteurs ont la responsabilité d'agir, des individus aux gouvernements, des Nations Unies aux entreprises et à la société civile. La lutte contre la violence sexiste doit être au centre de tous les plans d'intervention contre le Covid-19 dans les foyers. 

Des actions innovantes sont en cours qui devraient être à la fois saluées et reproduites. En Argentine, par exemple, les pharmacies ont été déclarées espaces sûrs pour que les victimes d'abus puissent les signaler. De même, en France, où les épiceries abritent des services de pop-up et où 20.000 nuits d'hôtel ont été mises à la disposition des femmes qui ne peuvent pas rentrer chez elles.

Le gouvernement espagnol a indiqué aux femmes qu'elles sont dispensées de l'obligation de quitter la maison en raison de mauvais traitements, et le Canada et l'Australie ont intégré un financement pour la violence à l'égard des femmes dans le cadre de leurs plans nationaux visant à contrer les retombées néfastes du Covid-19. 

Quelles autres mesures peuvent être prises ?

Les gouvernements nationaux de tous les pays devraient consacrer des fonds dans les plans d'intervention nationaux contre le Covid-19 aux refuges pour victimes de violence domestique, à un soutien accru aux lignes d'appel, y compris les services de texte afin que les signalements d'abus puissent se faire discrètement, au soutien juridique en ligne et aux services psychosociaux pour les femmes et les filles.

Ces services sont gérés, dans de nombreux cas, par des organisations de la société civile, qui ont désormais également besoin d'un soutien financier. Les refuges doivent être désignés comme des services essentiels et maintenus ouverts, ce qui peut impliquer de fournir des services de garde d'enfants au personnel pour qu'il puisse travailler. Il est essentiel que ces services soient accessibles, et ils devraient donc être intégrés dans d'autres espaces de services essentiels, comme les épiceries et les pharmacies. 

Que font les Nations Unies ?

Lorsque les Nations Unies apportent une aide humanitaire, notamment dans certaines des régions les plus pauvres et les plus instables du monde, elles donnent la priorité aux services de protection des femmes. Elle plaide auprès des gouvernements pour que les mesures mentionnées ci-dessus soient intégrées dans tous les plans d'intervention nationaux.

Enfin, les Nations Unies s'appuient sur l'initiative Spotlight, un partenariat à grande échelle avec l'Union européenne visant à éliminer toutes les formes de violence à l'égard des femmes et des filles. 

Grâce à cette initiative, les équipes de pays des Nations Unies, en collaboration avec les partenaires concernés, adaptent leurs programmes au contexte actuel : mise en ligne de services et de campagnes, renforcement du soutien aux organisations de la société civile en première ligne, garantie que les refuges pour victimes de violence domestique peuvent rester ouverts, et développement de programmes de soutien par les pairs et de chat en ligne et par SMS.

L'initiative vise également à accroître le soutien de base aux organisations de femmes qui fournissent des services et qui sont menacées par le changement de priorités en matière de financement. 

Dans cette crise mondiale sans précédent et imprévisible, les Nations Unies restent déterminées à protéger et à soutenir les femmes, où qu'elles se trouvent dans le monde.

Source : ONU Info

https://news.un.org/fr/story/2020/04/1065952